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1363 - Les seigneurs d'Aquitaine font hommage au roi Édouard III d'Angleterre

http://www.histoirepassion.eu/spip.php?article1012#comment

Après le Traité de Brétigny (1360), la traduction en actes de la domination anglaise sur les provinces qui composent alors l’Aquitaine, dont la Saintonge, l’Aunis et l’Angoumois : 1.047 seigneurs et notables font hommage au roi Édouard III.

Les archives anglaises sur l’histoire de la Saintonge, de l’Aunis et de l’Angoumois se font de plus en plus accessibles, et ouvrent des horizons passionnants sur l’histoire régionale.

 

 

PROCÈS-VERBAL des hommages rendus au prince de Galles par les seigneurs et les villes de la principauté d’Aquitaine, rédigé d’après les notes de P. de Maderan, par Richard Filongleye.

Archives de l’Échiquier : Library, B, 4, 5, et A, 4, 34. Ducange a fait un extrait de ce procès-verbal, d’après le registre FF de la Chambre des Comptes de Paris ; cet extrait est conservé à la bibliothèque royale. (Fond. Ducange, N° 1226. Catalogues historiques, D.C.) Le texte imprimé ci-dessous est transcrit d’après la copie du manuscrit B, 4, 5. Les principales variantes fournies par le manuscrit A, 4, 34, sont designées par la lettre A, et celles fournies par l’extrait de Ducange, par la lettre D. Voyez d’ailleurs ce que j’en dis : Introduction, IIIe partie, chapitre 1.

Source : Collection générale des documents français qui se trouvent en Angleterre - Jules Delpit - Paris 1847

Nota : le document présenté ici comporte les noms de 1047 seigneurs et notables d’Aquitaine ayant fait hommage au roi Édouard III d’Angleterre, entre juillet 1363 et avril 1364.

Ces seigneurs proviennent de toutes la zone sous domination anglaise à la suite du traité

a- Toute arme lancée avec la main ;
b- Projectile, carreau d’arbalète.

Traité de Brétigny (Voir le texte du Traité et carte, ci-dessous), dont la Saintonge, l’Aunis et l’Angoumois. Il m’a semblé intéressant de présenter ici le texte intégral de cet enregistrement d’hommages, y compris pour les autres provinces concernées.

En savoir plus sur les circonstances de la rédaction de ce manuscrit

 

LES HOMAGES ET SEREMENT DE FOIALTE FAICTZ SI BIEN A NOSTRE SEIGNOUR LE roi d’Engleterre, Edward tiertz, come a Edward, son eisnez filz, prince d’Aquitayne, en lez parties de Guyenne.

FILONGLEYE.

C’est le procez abrevie des homages faits par les comptes, visconnts, baronns, chivaliers et esquiers, gentilx et autres, en ceste livere nomeez, souz la forme qui s’ensuit.

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La France après le Traittrait / traits
 a- Toute arme lancée avec la main ;

 b- Projectile, carreau d’arbalète.
é de Brétigny (1360)

Source : Atlas général Vidal-Lablache (1906)

IN DEI NOMINE, AMEN.

Sachent tous ceulx qui cestes presentes verront ou orronnt que le IX jour del mois de juyl, al houre de demy jour, en l’an de grâce MCCCLXIII, en l’Eglise cathedral Saint Andre, deins la cyte de Bordeux, present et illoqs esteantz en propre personne, le tres puissant et mon tres redoutez seignour Edward, de mon tres souverein seignour Edward, par la grace de dieux, roi d’Engleterre eisnez filz, prince d’Aquitayne et de Gales, duc de Cornowailes et comte de Cestre, en presence de moi, Piere de Maderan, notarie publik et des plusors tesmoignes sur ceo appellez, par devant les baronns, chevaliers, esquiers souz nomeez et plusors autres illocqs assemblez, fuyt dit denuncie publicament par le honete et sage chevalier, mons. Guillem Serys, parlannt del comandement et en personne de mon dit seignour le prince d’Aquitayne, que le mesmes prince estoit venuz de comandement son dit progenitors en les parties d’Aquitayne et come son lieutenant pour receivre en nonn de lui homages et serementz de foialte deuez au dit son tres noble seignour roi d’Engleterre, par les conntz, chivaliers, esquiers, gentilx et autrez, a cause des terres et tenementz que eaux et chacun de eaux tignonnt et dauvont tenire du dit mon tres noble seignour le roi, de deinz la dit principalte d’Aquitayne et en personne de lui et en son nonn, requis ove due instannce les baronns, chivaliers, esquiers et autres souz nomeez, que eaux et chacun de eaux fessaceont et prestassent a notre dit seignour roi d’Engleterre, en la personne de son dit lieutenant, lez homages liges et serementz de foialte que eaux et chacun de eaux faire lez devoient a cause de loures terres et tenementz avannt ditz. Et oiez la dite requeste et ycelle bien entenduz, par le maniere que dit est, par lez baronns, chevaliers, esquiers et autres gentilx souz nommeez, eaux et chacun de eaux por soi, comme a chacun appartenoit, se offristerent de faire lez homages et serementz de foiaste par le dit seignour le lieutenant requeruz.

Et apres fait la dit responnce, le dit mons. Guillem de Serys parlannt del comandemeut et en le personne du dit notre seignour le prince et des nobles seignors, mons. Thomas Beauchamp, connte de Warewyk et de mons. John. Channdos, visconnte de Seint-Sauveour, commissaries du dit nostre tres soverein seignour roi d’Engleterre : as choses souz escriptz, dit et denuncia publiment as ditz seignours, baronns, chevaliers, esquiers, gentilx et autrez illoqs assemblez, que le dit notre tres redoute seignour le roi d’Engleterre avoit donne et transporte a dit son eisnez filz le prince, toute la principalte d’Aquitayne et avoit constitue et ordeine les ditz seignours comissaires a bailer au dit son eisnez filz la possession roial de toute la dit principalte, si come estoit contenuz en deux lettres, les queux furent illoqs monstrez et leues par ledit mons. Guillem et en romance declarez. C’est assavoir une, en sealle del grannt seal ove cere vert, du dit nostre tres redoute seignour roi d’Engleterre et l’autre, ove cere blanche, la tenour dez quellez letres sont enregistres en le proces pluys parfitement, par moy notarie sur nomee, fait et accompli en une livre.

Et leues publiment la tenour de ditz lettres et ycelles bien entenduz par les baronns, chevaliers, esquiers et autres sous nomeez, les comissariez avant ditz, en lieu du dit nostre tres souverein seignour roi d’Engleterre, comanderent as baronns, chevaliers et autres illoqs assembleez, que apres que eaux averoient fait les ditz homages et serementz foialte au dit mons. le prince, come lieutenant de tres noble roi d’Engleterre eaux et chacun de eaux por soi, celui mesmes homages et serement de foiaste fissent au dit tres noble prince come prince d’Aquitayne et toutz les autres devoires, noblesses et dreitures que ils devoient et avoient acustume de faire et estoient tenuz de paier au dit notre tres soverein seignour le roi d’Engleterre fissent et payassent au dit mons. le prince des ore en avannt, et a luy fussant obeissantz et entendantz, come prince d’Aquitayne, reserve la sovereinete et le resort deue a nostre dit tres soverein seignour roi d’Engleterre, solonc la tenour del transport et donation susdites, car les surnomeez commissaires, en lieu du dit nostre tres redoute seignour roi d’Engleterre et par vertu del poiar as eaux donez en lour commission, de homages et serement de foialte, que eaux fereint a mon dit seignour le prince, come lieutenant de notre dit tres soverein seignour le roi d’Engleterre et de toutz autres droitures, noblesses et devoires que eaux avoient acustume et estoient tenuz de faire, reserve a lui la sovereinete et resort come dit est, aquiterent lez baronns chivalier esquiers et autres sous nomeez.

Et encontenant, les baronns, chevaliers, esquiers et autres sousnomeez vuillent obeier a nos tres nobles et tres redoutez seignours roi et prince et as comissaries sus nomees, ove deue reverence se oflristrerent 4e faire et acomplir, a lour poair et en tant come devoient el estoient tenuz et a eaux appartenoit, les choses par les dit seignours commissaries, come dessus est declarez, a lour comandement

Et illoqs mesmes, l’un apres l’autre et chacun por soi mesmes, onnt fait homagez et serement foialte au dit notre tres soverein seignour roi d’Engleterre en la personne du dit eisnez filz, come son lieutenant

Et aprse, auxi de comandement dez ditz seignours comissaries onnt fait ceaux mesmes homages et serement de foialte au dit mons. Edward et li onnt resseu et reconeu estre prince d’Aquitayne en la manere et fourme que sensuit, cest assaver.

Les fourmes des hommages fait a nostre seignour le prince d’Aquitaine.

BOURDELOYS ET BAZADOYS EN LA SENESCALIE DE GASCOIGNE.

1. Mons. Arnaud Amanieu seignour de Labret, baron, disant et protestant q’il fesoit le present homage sauveez ses franchesez et libertees et solonc sez predecessours l’onnt a custume affaire, et auxi come il le devoit et estoit tenuz de faire.

Esteant agenoils, engenoles, sans ceynture ne chaperonn, tenannt ses mayns juyntes per entre les mayns du dit seignour le lieutenant, est devenuz homes lige du dit nostre tres soverein seignour le roi d’Engleterre et au dit mons. Edward, son eisnez filz, come son lieutenant, a fait foi, serement et homage lige, pour les terres et tenementez et choses qil tynt, clamoit et devoit tenir de lui, deinz la principalte d’Aquitayne, sa vie et ses membres et terrenal honour, foi et loialte ; l’as promys porter et garder vers toutz et contre toutz qi pouronnt vivre et mourir ; et en outre, lui a promys de faire tout ceo qe tout bon loial et lige vassal doit et est tenuz de faire a son verrai et naturel seignour et tout ceo dist, promys et jura, mises ses mayns sur le livre et la crois et yceaux baizes, q’il tendroit por toutz jours, si Dieux lui aidast et les seinz evangelies qi illocqs estoient.

A quel homage et serement de foialte nostre dit seignour le prince come lieutenant de son dit progenitour, ad resceus le dit vassal en li baizannt en sa bouche, sauve les droits de nostre dit seignour le Roi et lez autruys. Et illocqs mesmes li fuit injuint par le honorable et sage seignour mestre Masse Daigue-Caue, parlant del comandement et en personn du dit mons. le lieutenant, q’il paia le devoir ou devoirs q’il devoit et estoit tenuz de poier a cause de ses terres et tenemenls, et auxi q’il bailla par escrit son fee et ses tenementz q’il tynt, clayme et doit tenir de nostre dit seignour le roi d’Engleterre, en la principalte d’Aquitayne, de deinz le temps qe la custume de pais le voet et le requiert ; et paia le fee del chambrelein et de la fesaunce du dit homage avoit lettre de nostre seignour le prince lieutenant, les quelles choses le dit vassal dist et grannta affaire.

Et encontenant resceuz ladit horaage, par nostre dit seignour le prince lieutenant, les susnomees comissaries, par vertu de la commission, aquiteront le dit vassal del dit homage et serement de foialte q’il avoit fait a nostre dit tres soverein seignour roi d’Engleterre en la personn de son lieutenant, et li comanderont qe celui mesme homage et serement de foialte il fisse a nostre dit seignour mons. Edward, come prince d’Aquitayne, juxte et solonc la tenour du dit transport et de lour dit commissionn.

Et apres le dit vassal vuyllantz obeyr a la volunte de nostre dit tres soverein seignour le roi d’Engleterre et accomplir ceo qe lez commissaries surnomeez de par lui l’onnt comannde et injuint, comme dessuoz est contenu et declare, reconnoissant nostre seignour mons. Edward estre prince d’Aquitayne.

Et apres, celui jour et heure, les baronns, chevaliers, esquiers, gentilx et autres souz nomees, c’est assavoir :

- 2. Monsr. Guillem Sans, seignour de Pomers, baronn.
- 3. - Pierres de Lamote, seignour de Roketalhada, id.
- 4. - Elies de Pomers, seignour en sa partida de Siurac, id.
- 5. - Arnaut Gavaret, seignour en sa partida de Langon, id.
- 6. 7. - Arnaut Guillem de Lamote, pour lui meysme et come tutour, a ceo qil dist, de Johan seignour de Noiallan, id.
- 8. 9. — Auger Mote, por lui meysme et auxi come usufructuarie des biens de Katerine sa ffeme, id.
- 10. - Bertrant de Pomers, id.
- 11. - Raymond de Ffargues, id.
- 12. - Raymond Guillem, seignour de Castet, id.
- 13. - Bertrand de Cases, id.
- 14. - Pierre de Gabarret, id.
- 15. - Senebruin, seignour de Curtoñ, id.
- 16. - Theobaud, seignour de Budos, bailla pour esporle et devoir deux lannces, id.
- 17. - Bernart d’Ornon, seignour d’Audenge, id.
- 18. - Johan de Montferrannt, id.
- 19. - Gaylard de Durefort, seignour de Blankford en Bourdelois et de Duras en Agenois, id.
- 20. - Jehan de Lalannde, seignour de Brede , id.
- 21. - Gaillard Viger, chivaler.
- 22. - Raymond de Monntferrant, id.
- 23. - Thomas de Lamote, id
- 24. - Milet de Bolh (A. Milot du Bolh), id.
- 25. - Guillem Amanieu Andron, id.
- 26. - Gerard de Tartas, seignour de Puyan (A. Guiraud, seignour de Puyana), id.
- 27. - Piers d’Arroquers, id.
- 28. - Bernard de Bedat, id.
- 29. - Gaylhard de Puch, filz de Bernard, id.
- 30. - Piers Amanieu de Moyssac, id.
- 31. - Gerraud de Lamote, chevalier et bailla pour esporle XX sous de la monoie.
- 32. - Isambert de Molon, id.
- 33. - Guaillard de Puch, filz de Eliez, id.
- 34. - Gombaud de Laroqua, id.
alt=- class=""> 35. - Bernard de Laffonnt, id.
alt=- class=""> 36. - Geraud de Castetga, id.
alt=- class=""> 37. - Guillem Raymond de Lastastas (A. Castetz), id.
- 38. - Amanieu de La Cantalop, et bailla pour son devoir un lannce ove le feer enorrez.
- 39. - Arnaud d’Anglade, id.
- 40. - Guillem Raym. Monadier, id.
- 41. - Monsr. Elies de Juiqueires, esquiers.
- 42. - Bos deu Torne, id.
- 43. - Andrea de Loganbac, id.
- 44 - Piers Caillau de Ryuhao, borgeys de Bordeux, protestant q’il ne deportoit de sa borgessie de Bordeux et dissoit q’il devoit faire un chevalier de l’ost, quant le Roi ou le prince noz tres sovereins seignours mandant lours ost [1],
- 45. - Bernart de Monntet, id.
- 46. - Piers de Casauhon, id.
- 47. - Auger de Pin (A. du Pih), id.
- 48. - Aymar de Castaneda, id.
- 49. - Aymaric de Malenginh, id.
- 50. - Piers Froment, id.
- 51. - Bertrand de Beuvile, id.
- 52. - Gailhard de Lataste, id.
- 53. - Jehan Reynaut, id.
- 54. - Guillem Raym. de Lestatge, id.
- 55. - Gombaud Centot, id.
- 56. - Guillem Raym. de Birac, id.
- 57. - Bernard de Mont, id.
- 58. - Arnaut deu Pin (A. Deupui), id.

Estante present a toutz les choses susdictes chacun pour soi ert devenu home lige de nostre dit tres soverein seignour le roi d’Engleterre, et a lui en la personne de son lieutenant onnt fait homage et serement de foialte, por les terres et tenement q’ils claimont tenir de lui, de deinz la principalte d’Aquitaigne.

Et ensuant, eaux et chekoun de eaux, acquitez primerement du dit homage et serement q’ils avoient fait a nostre seignor le roi d’Engleterre par les commissaries sur nomeez, sonnt et devenus hommes liges de nostre seignour le prince et a li come prince d’Aquitaigne, onnt fait homages et serements de foialte.

Les queux homages et serementz furent faitz ove tielles et mesmes injonctions et en la forme contenue en la primer foil de cest livere.

 

Commentaires sur ce document, par Jules Delpit dans le livre Collection générale des documents français qui se trouvent en Angleterre - Paris 1847

Par le traittrait / traits
 a- Toute arme lancée avec la main ;

 b- Projectile, carreau d’arbalète.
é de Brétigny, Edward III avait été reconnu souverain indépendant de toutes les provinces qui composaient ce qu’on appela dès lors la principauté d’Aquitaine ; il les donna en fief à son fils ainé, le prince de Galles, qui commença à toucher les revenus de sa principauté le 19 juillet 1362. Cependant toute une année était déjà passée lorsque le 9 juillet 1363 le Prince Noir vint prendre possession de son nouveau domaine, et convoqua ses tenanciers et vassaux pour le reconnaître et lui prêter serment. Cette formalité n’était pas aussi simple qu’on serait tenté de le supposer. Edward III ayant été reconnu, par le traittrait / traits
 a- Toute arme lancée avec la main ;

 b- Projectile, carreau d’arbalète.
é de Brétigny, suzerain des provinces dont il n’était que feudataire, ou sur lesquelles il n’avait aucun droit ; pour que les choses se passassent dans la régularité des formes féodales, les vassaux devaient prêter deux hommages et en payer les frais : le premier, au nouveau suzerain ; le second, à son nouveau feudataire. En conséquence, Edward III nomma son fils lieutenant et commissaire pour recevoir les hommages qui lui étaient dus [5], et Thomas de Beauchamp et Jean Chandos commissaires pour mettre le Prince en possession de l’Aquitaine. Nous verrons plus tard que toutes ces formalités ne furent pas jugées suffisantes, et que quelques feudataires exigèrent encore la présence des commissaires du roi de France.

On ne connaissait jusqu’ici aucune copie exacte du procès-verbal de cette longue et importante opération, dans laquelle plus de mille vassaux ou représentants des villes d’Aquitaine comparurent devant les commissaires du Roi et le prince de Galles. On savait que l’opération avait eu lieu : une multitude de familles prétendaient que leurs ancêtres y avaient assisté ; mais depuis l’incendie de la Chambre des comptes de Paris les généalogistes ne pouvaient citer aucun titre authentique à l’appui de prétentions qui se trouvaient ainsi n’avoir d’autres fondements qu’une tradition vraisemblable, mais sans aucune espèce de certitude. Il existait çà et là quelques fragments de procès-verbaux et quelques extraits informes de pièces isolées ; mais on ne connaissait aucune copie authentique ou complète de cet important document. Le seul extrait un peu considérable auquel le temps avait donné une sorte d’authenticité consistait dans les notes presque illisibles que Ducange avait prises à la hâte et pour son usage particulier dans les registres, aujourd’hui détruits, de la Chambre des comptes. C’est donc un bonheur inespéré d’avoir retrouvé dans les archives de l’Échiquier deux copies authentiques de l’ensemble de ce document (n° CXCII). La première de ces copies, écrite au XIVe siècle par un clerc du nom d’Aberford, paraît avoir été faite pour le trésorier d’Aquitaine, Richard Filongleye, sur les notes originales du notaire Pierre de Maderan, qui dressa les actes d’hommages : la seconde copie, faite d’après les originaux conservés dans les archives d’Aquitaine, fut envoyée au commencement du xve siècle par l’archevêque de Bordeaux au roi d’Angleterre (n°cccL). Ces deux copies, jointes à l’extrait de Ducange et à quelques renseignements recueillis çà et là, m’ont permis de restituer d’une manière à peu près complète un document qui comble une véritable lacune de notre histoire.

Malheureusement, quelque précieuses que soient les copies nouvelles dont je me suis servi, elles ont été faites avec cette négligence et ce manque d’ordre et de méthode qu’on retrouve trop souvent dans les œuvres de nos jours, pour songer à en faire un reproche particulier au moyen âge : elles ne sont parfaitement semblables ni dans le nombre, ni dans l’ordre, ni dans l’orthographe des noms ; j’ai donc tâché, en les collationnant et en les complétant l’une par l’autre, de faire du tout un seul corps, où, sans rien élaguer ni changer, je me suis seulement permis d’essayer de classer chronologiquement les notes qui avaient été rassemblées sans ordre.

Malgré tous mes efforts, cette liste sera nécessairement incomplète et fautive. L’orthographe des noms propres est si étrangement défigurée, qu’il m’a été quelquefois totalement impossible de reconnaître le véritable nom qu’on avait voulu inscrire, et quelquefois peut-être je me suis mépris sur les noms que j’ai cru retrouver ; mais comme j’ai soigneusement reproduit les différentes orthographes de chaque nom, et que les rectifications adoptées ne sont indiquées que dans la table des matières, il sera toujours facile aux lecteurs favorisés de connaissances particulières de reconnaître les noms que je n’ai pu deviner ou que j’ai méconnus. Quelles que soient les imperfections de cette immense liste, elle sera néanmoins d’un grand secours à la science. On peut même dire que ces imperfections elles-mêmes sont une preuve de l’utilité de sa publication. Pour concevoir combien il était difficile de se servir avec quelque sécurité des renseignements défectueux que nous avions, il suffira de 6avoir qu’aidé de deux nouvelles copies soigneusement comparées, et de la coopération bienveillante qu’ont bien voulu me prêter, et dont je suis heureux de pouvoir les remercier publiquement, M. Lacabane, conservateur du cabinetcabinet(mobilier) Meuble à tiroirs, très ouvragé. « Le cabinet de ce temps était un meuble vaste, avec un tiroir au milieu, et deux portes à pointes de diamant, une en haut, une en bas. Derrière, deux planches comme rayons, ce qui faisait trois étages avec le fond. On en possédait deux ou trois ou plus suivant sa fortune ; dont une toujours réservée à la chambre des époux. On y empilait vêtements et linge... ».

PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1932, p. 19
des titres à la Bibliothèque royale, et qui connaît si bien l’histoire de nos grandes familles, surtout à cette époque, et pour ce qui concerne le Quercy ; M. Léon Dessalles, employé aux Archives du royaume, qui a consacré sa vie à l’histoire du Périgord ; M. Marchegay, originaire du Poitou et archiviste d’Angers ; M. l’abbé Michon, qui fait une histoire de l’Angoumois ; M. de Métivier, qui s’occupe de l’Armagnac ; M. Curysimbre, qui connaît si bien toute la Gascogne et le Bigorre, etc. etc. J’ai eu une peine infinie à reconnaître ou restituer d’une manière incomplète l’orthographe de cette longue nomenclature de noms défigurés.

Du reste, quelque considérable que soit ce document, il ne faut point le regarder comme une statistique exacte et complète de la noblesse d’Aquitaine au XIVe siècle. Les lacunes que chacune des listes qui nous sont parvenues révèlent dans les autres copies, font assez deviner qu’il doit y avoir encore d’autres passages oubliés, et l’on sait d’ailleurs qu’à cette époque, où les actes administratifs n’étaient pas rédigés avec l’exactitude qu’on y apporte aujourd’hui, plusieurs vassaux, volontairement ou involontairement, ne se soumettaient pas à l’hommage, tandis qu’un grand nombre de tenanciers, même des plus puissants, ne devaient point s’y soumettre, soit que leurs terres fussent allodiales, soit qu’elles ne relevassent pas immédiatement du souverain. Quoi qu’il en soit, ce document donne une idée exacte de la manière dont s’accomplissait cette grande opération féodale, qui joue un rôle si important dans l’histoire du moyen âge. Brequigny avait, il est vrai, transcrit, d’après le supplément de Rymer, et sans indiquer où se trouvait l’original, la formule du procès-verbal de l’hommage du sire d’Albret [6] ; mais il n’avait connu ni la liste des vassaux, ni celle des députés des villes, ni rien de ce qui constitue l’importance et la valeur historique de ce document ; tandis que la liste de Ducange,.en la supposant complète, avait au contraire supprimé toutes les formules, et n’était plus, qu’une aride et sèche nomenclature.

I1 résulte de la pièce que je publie, que, contrairement au récit de Froissard [7] et des historiens qui l’ont suivi, l’opération commença par Bordeaux, et le 9 juillet 1363.

En admettant, comme on l’a fait jusqu’ici, que le Prince Noir soit réellement débarqué à la Rochelle au commencement de février 1363 (il faudrait qu’il y eût 1362, car le mois de février 1363 de l’ancien calendrier serait pour nous février 1364, époque où le prince était depuis longtemps en Aquitaine) ; en admettant que le prince Edhvard soit réellement débarqué à la Rochelle au mois de février, il est impossible de concilier le récit de Froissard avec le témoignage des documents qui nous occupent, quelque inexacts et confus qu’ils soient sous le rapport des dates. Les trois copies que nous avons s’accordent d’ailleurs en un point, et font commencer l’hommage dans la capitale de la nouvelle principauté, au lieu de le faire commencer à Poitiers. En admettant que les copistes dont les manuscrits nous sont parvenus se sont fréquemment trompés, et ont mis indifféremment le chiffre d’une année pour celui d’une autre, on ne peut pas admettre qu’ils se soient aussi aisément trompés en écrivant en toutes lettres les noms des mois ; or, il arrive qu’en commençant par Bordeaux et arrangeant l’itinéraire du Prince selon l’ordre des mois, cet itinéraire ne présente aucune circonstance improbable ; tandis que s’en rapportant au témoignage de Froissard, et faisant commencer cette opération à Poitiers, il serait impossible de continuer le voyage du Prince sans changer les noms des mois indiqués par les copistes. Quoi qu’il en soit, il suffira sans doute d’avoir constaté ici l’incertitude que présente cet itinéraire, pour qu’il soit facile plus tard de le rectifier, s’il y a lieu.

La prestation de l’hommage commença donc à Bordeaux le 9 juillet 1363, et dura dans cette ville jusqu’au 30 du même mois. Elle eut lieu presque toujours dans l’église cathédrale de Saint-André, en présence du prince d’Aquitaine et des grands du pays, Guillaume de Serys portant la parole au nom du Prince et en langue romane. Quand les hommages eurent été prêtés, maître Massé d’Ayguecaue, probablement trésorier du Prince, requit les tenanciers de payer les frais des hommages et de fournir les dénombrements de leurs fiefs, selon la coutume du pays. Le premier hommage fut celui du seigneur d’Albret ; il protesta qu’il ne faisait son serment que sauveez ses franchisez et libértez, et selonc ses prédécesseurs l’ont accustume a ffaire. Presque tous les noms des barons, chevaliers, écuyers et autres gentils de la province, se trouvent sur cette liste ; on y remarque en première ligne les noms des seigneurs qui déjà avaient des intelligences avec la France, ou qui devaient bientôt en avoir.

La prestation d’hommage la plus remarquable fut sans contredit celle qui eut lieu le 15 juillet : ce jour-là, les représentants de toutes les villes ou bastides du Bordelais et de la Gascogne avaient été convoqués. C’est, je crois, la seule circonstance où l’on voie les députés des communes et des plus petites bourgades convoqués en masse, et malgré eux, pour rendre hommage et prêter serment en même temps et de la même manière que les plus hauts barons. Ce n’est pas ici le lieu de développer les conséquences historiques qu’on peut déduire de ce fait. Il suffira de signaler l’importance et la valeur de cette tentative. (Voyez d’ailleurs ce que j’en dis au chapitre : Histoire municipale.)

De Bordeaux, où ils reçurent les hommages déplus de trois cents feudataires, le Prince et les commissaires royaux se transportèrent à Bergerac ; ils y étaient rendus le 4 août. Du 10 au 15 du même mois, le Prince séjourna à Périgueux et y reçut les hommages des tenanciers du Périgord, du Quercy et du Rouergue : il était à Angoulême le 18 et le 21 août, et y reçut l’hommage du comte d’Armagnac.

D’Angoulême, Edward se rendit à Cognac, à Saintes, à Saint-Jean-d’Angely, puis, revenant sur ses pas, partit de Saintes le 27 août pour arriver à La Rochelle le 29. Le 1erseptembre, les commissaires s’arrêtèrent à Benon, et le 3, à Niort ; le 6, ils étaient à Saint-Maixent, et le 13, à Poitiers. Le Prince séjourna dans cette ville ou ses environs jusqu’au 19 novembre, et y reçut une grande quantité d’hommages, surtout dans les journées des 13 et 14 septembre : il y vint des tenanciers d’une haute importance, et le 23 septembre, soit que le Prince fût malade, soit pour un autre motif, c’est dans sa chambre qu’il reçut l’hommage des seigneurs de Saint-Julien et de Pierre Buffière. A partir de cette époque, la succession des dates indiquées par mes copies me paraît moins certaine : il est fort possible qu’Aberford ait mis idem à la suite d’un fragment concernant Poitiers, tandis que cet idem, dans les notes de P. de Maderan, se rapportait à une autre localité ; mais des erreurs de ce genre ne peuvent modifier d’une manière bien sensible l’ensemble de l’itinéraire du Prince.

De Poitiers, les commissaires se rendirent à Agen, où ils étaient arrivés le 26 décembre ; ils y étaient encore le 12 janvier 1364, et c’est dans cette ville que fut rendu l’hommage le plus important et le plus solennel que le Prince ait reçu. Le notaire a cru devoir conserver toutes les particularités qui s’y passèrent. C’est dans le parloir ou chambre de parlement de la maison des frères prêcheurs, en présence des commissaires déjà nommés, du duc de Bretagne, du chancelier d’Aquitaine, du connétable de Bordeaux, etc., que comparut le très-noble et très-honoré seigneur Gaston-Phœbus, comte de Foix et vicomte de Béarn, qui, jusque-là, prétextant ses engagements envers le roi de France, s’était refusé à faire l’hommage et n’avait voulu le faire qu’en présence des commissaires spéciaux du roi de France. Ces commissaires étaient Louis d’Harcourt et Jean de Saintré : ils montrèrent leurs pouvoirs et, sur la requête du prince de Galles, commandèrent au comte de Foix de faire les hommages auxquels il était tenu et le déchargèrent pour toujours du serment qu’il avait prêté au roi de France. Chandos, prenant de nouveau la parole, demanda, au nom du Prince, si le vicomte de Béarn était aussi compris dans l’hommage qui venait d’être rendu ; mais Gaston-Phœbus répondit que son hommage ne concernait que les vicomtes de Marsan et de Gavardan, et que s’il était prouvé que pour le Béarn il fût moindre seigneur que le roi d’Angleterre ou le prince d’Aquitaine, il était prêt à faire tout ce qu’il devait réellement. On sent percer l’orgueil de cette réponse à travers les termes embarrassés dont le notaire l’a revêtue, et la fierté des paroles du jeune et beau comte de Foix sont un argument de plus contre les partisans de l’unité et de l’intégrité du prétendu royaume de France au moyen âge. Même au XIVe siècle, et je devrais dire dès le XIVe siècle, puisque Louis XIII écartelait encore ses armes de l’écusson de Béarn ; même au XIVe siècle, dis-je, le vicomte de Béarn se prétendait souverain au même titre que les rois de France et d’Angleterre, et c’est une province de plus qu’il faut ajouter k la longue liste de toutes celles qu’une politique peut-être habile, mais à coup sûr ignorante, a voulu comprendre dans l’unité fantastique de notre nationalité au moyen âge.

Gaston-Phœbus promit en outre, sur l’ordre des commissaires du roi de France, de restituer au roi d’Angleterre et à son fils toutes les terres dont il s’était emparé.

Le 21 janvier, le prince d’Aquitaine était encore à Agen : il en repartit pour Poitiers, où il était arrivé le 17 février, sans que nous sachions par où il avait passé. C’est de cette époque qu’il faudrait commencer l’itinéraire du Prince, si l’on voulait rejeter toutes les dates de la copie d’Aberford et s’en rapporter uniquement au récit de Froissard ; mais l’on rencontrerait alors des invraisemblances choquantes et qu’il serait impossible de concilier. D’après mon système, le Prince était encore à Poitiers le 10 mars, et le 28 il s’était rendu à Angoulême. Il reçut des hommages dans cette ville jusqu’au 4 avril 1364 ; mais à cette époque, soit que l’opération fût terminée, soit que les hommages se fussent ralentis, le notaire cessa de les enregistrer, et son procès-verbal n’embrassa ainsi qu’une période de neuf mois ; mais, je le répète, les notes de P. de Maderan avaient été prises séparément et rassemblées sans ordre pour être plus tard, comme il le dit lui-même, enregistrées dans le procès plus parfaitement fait et accompli dans une livre : Aberford les a transcrites sans avoir soin de les classer. L’exclamation par laquelle il termine son travail prouve suffisamment combien il s’y intéressait peu.

Notes

[1] Ducange avait cru ne devoir pas admettre dans sa liste : Pierre Caillau. Le manuscrit A. 4, 34, ecrit : Caillau d’Arrenhac, au lieu de : Ryuhao ; il est probable que le mot, ainsi défiguré, était : Darhua nova, c’est-à-dire de rue neuve.

[2] Tout ce qui concerne l’hommage des villes ne se trouve que dans le manuscrit A. 4, 34.

[3] Il est probable qu’il faut conclure de ces mots, qu’en passant a Sainte-Foy, le prince reçut ces deux hommages, et que Pierre de Maderan ne les inscrivit qu’en arrivant a Bergerac.

[4] Tout ce qui suit dans cette journee, jusqu’au N° 873, ne se trouve ni dans Ducange, ni dans le manuscrit A, 4, 34.

[5] Les lettres de nominations des commissaires, etc., sont publiées dans Rymer.

[6] Collection Brequigny, t. 111, 20 juillet 1363.

[7] Froissard, T. I, chap. CLIII.